Pour les historiens de l’automobile, les années 1962 à 1971 constituent l’âge d’or des muscle cars américains. Les bouleversements sociaux marqués par la musique des Beatles, la guerre du Viêt-Nam, les droits civils et le programme spatial ont aussi été accompagnés d’un remarquable élan de créativité, d’enthousiasme et de rébellion qui s’exprime dans les bolides hautes performances de l’époque, un élan qui sera difficile, sinon impossible, de reproduire. Et c’est en 1969 que Chrysler Corporation dévoile 2 modèles hautes performances qui symbolisent mieux que tout autre la furie envoûtante de cette période : les Super Bee Six Pack et Road Runner 440-6BBL.
Les études de marché démontrent qu’il manque sur le marché de la voiture neuve un modèle abordable s’adressant aux jeunes mais capable d’offrir d’excellentes performances sur route. Chrysler répond en 1968 en dévoilant la Plymouth Road Runner et la Dodge Super Bee, des versions abordables des luxueuses supervoitures que sont la GTX et la Coronet R/T. Ces 2 nouveaux modèles sont animés par une version spéciale du moteur 383 p.c. (6,2 L), développant 335 c.v. qui inaugure l’ère des muscle cars abordables.
Démunis des accessoires jugés superflus pour en diminuer le poids, ces modèles qui affichent un air assez dénudé sont néanmoins animés par le puissant 383 à culasse en coin (le 426 Hemi étant le seul autre moteur en option) et dotés d’une suspension renforcée. Se détaillant au bas prix de 2896$ dans le cas du Road Runner et de 3037$ pour la Super Bee, ces 2 produits Chrysler offrent aux jeunes un remarquable rapport prix/performances. Pour 700$ de plus, l’acheteur peut opter pour le moteur Hemi et habiller sa voiture avec les autres équipements proposés en option.
Sur piste d’accélération, le 383 ne parvient cependant pas à se démarquer, tandis que le Hemi, malgré ses performances remarquables est capricieux en usage routier et nécessite des réglages constants, sans oublier son prix plutôt corsé. Le succès des 2 modèles abordables porte néanmoins les ingénieurs à proposer pour 1969 une série de modifications et d’options dont la plus importante est l’adoption d’un système d’admission d’air frais. Malgré tout, ces changements n’apportent que des améliorations limitées.
Toujours en 1969, la compagnie prépare un nouveau moteur de 440 p.c. (7,2 L) muni de 3 carburateurs double corps (d’où l’appellation Six Pack). Mais contrairement aux autres moteurs de la gamme, ce moteur reçoit des éléments spéciaux provenant de fournisseurs extérieurs, notamment la tubulure d’admission en aluminium conçue par Chrysler pour recevoir les 3 carburateurs Holley double corps mais fabriquée par Edelbrock.
Ces éléments sont accompagnés d’importantes modifications internes visant une plus grande robustesse, notamment le vilebrequin en acier forgé, les bielles renforcées et les pistons à tête bombée portant le taux de compression à 10,5 à 1. Testé sur banc d’essai, le 440 affiche, selon la compagnie, 390 c.v., tandis que la NHRA (association de courses hot rod) le classe avec plus de réalisme à 410 c.v.
Pour ce nouveau moteur, Chrysler décide de construire un modèle spécial baptisé A12 dans le catalogue d’options de Plymouth et Dodge. L’option Super Trak Pack (essieu arrière Dana 60, rapport 4,10 à 1, boîte manuelle Hemi à 4 vitesses avec levier Hurst, ventilateur à visco-coupleur et gros radiateur) est proposée en équipement de série, la seule option mécanique étant la boîte automatique Torqueflite de type Hemi.
Quelques options sont offertes pour l’intérieur, notamment les sièges baquets, mais l’usine livre la voiture avec des roues ordinaires en acier avec écrous chromés et chaussées des nouveaux pneus Goodyear G70x15 qui apportent des gains considérables au chapitre de la tenue de route. À l’extérieur, le changement le plus notable est l’adoption d’un capot en fibre de verre peint en noir mat et fixé avec 4 pinces de type NASCAR. Le capot se distingue par sa grosse prise d’air mise au point dans le cadre des courses d’accélération Super Stock.
Les ingénieurs Chrysler sont les premiers à effectuer des recherches sur l’écoulement de l’air d’admission, ce qui explique la présence de la lèvre sur le bord inférieur de la prise d’air qui atténue considérablement les turbulences provoquées par le capot. C’est ainsi que pour les muscle cars de route, ce sont les produits Chrysler qui présentent le plus grand volume d’air d’admission grâce à ces prises d’air dont le seul défaut porte sur la difficulté d’empêcher les débris de la route à se coller au filtre à air.
Même à l’arrêt, la voiture invite à la course, ses roues sans enjoliveur accentuant sa vocation sportive. La Super Bee reçoit une paire de fausses prises d’air sur les ailes arrières et des bandes décoratives Scat Pack. La mention « Six Pack », inventée par les responsables du marketing figure sur les côtés de la prise d’air du capot, tandis que sur le modèle Road Runner, le décalque « 440-6BBL » trône sur la prise d’air.
Souhaitant offrir une voiture ayant un agrément de conduite irréprochable, les responsables du programme A12 veulent néanmoins proposer un prix abordable et c’est ainsi que l’option A12 à moteur 440 n’ajoute que 462,80$ au prix de base de la Plymouth et 468,80$ à celui de la Dodge. Nul doute qu’à ces prix, la tentation de pulvériser la vitesse limite autorisée devient presque irrésistible.
Dès le lancement de la voiture au printemps 1969, les premiers exemplaires sont livrés à la presse spécialisée pour fins d’essais. La revue « Car and Driver » dépêche sa nouvelle Super Bee dans les contrées éloignées de la Caroline du Nord souhaitant tester la voiture sur les chemins de campagne et les sentiers peu fréquentés. Le pilote novice du magazine « CARS » enregistre un chrono de 13,98 secondes et une vitesse de 104,52 mi/h (168,21 km/h) sur quart de mille (402 mètres) avec des pneus de route. Les concepteurs des nouvelles Plymouth ou Dodge peuvent donc dire : mission accomplie!
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